Le Janséniste et le Moliniste
«Père Simon, doucereux moliniste,
Frère Augustin, sauvage janséniste,
Tous deux suppôts de la religion,
Allaient à Rome, au père des fidèles,
Solliciter quelque décision,
Qui terminât leurs dévotes querelles.
Nos deux cafards disputaient en chemin
Sur les cinq points de doctrine perverse;
Jeune tendron leur tombe sous la main,
Dans le moment change la controverse:
Le Rigoriste exploita son devant,
L'Ignatien, ayant fait sa prière,
Dévotement prit la route contraire –
Chacun le fit pour l'honneur du couvent.
Ayant tous deux parfait leur entreprise
Un remords vint, non pas aux gens d'Église –
Ils en ont peu, comme pouvez penser,
Car sont de Dieu commis pour les chasser –
Mais à la belle encore dans l'ignorance,
Simple et timide, et qui n'avait alors
Seize ans entiers, c'est l'âge du remords,
Si ce n'est pas celui de l'innocence.
Donc à genoux, avec contrition,
Elle leur dit: "Du Ciel vous êtes maîtres –
D'une pauvrette ayez compassion:
Vous pouvez tout, vous êtes tous deux prêtres!"
Lors lui donnant sa bénédiction,
Le Loyaliste enflammé, plein de zèle,
Lui promit place en la sainte Sion:
L'autre, au recours, chapitrant la donzelle,
Lui refusa son absolution.»
Le Janséniste et le Moliniste, Voltaire
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